Durant la féodalité, nos campagnes connurent, en raison de troubles intérieurs, des dévastations qui finirent par les transformer en déserts. Alors, souverain et seigneurs s'attelèrent à une immense tâche de reconstruction de remise en culture des terres délaissées, de repeuplement des villages abandonnés. De là, l'octroi de chartres de franchises devant empêcher l'exode des habitants.

La charte de Coinaud

Le Dictionnaire topographique et historique de la Drôme, une œuvre de Justin Brun-Durand, parue en 1891, nous apprend que le hameau de Coinaud [1] était, au XIVe siècle, le chef-lieu municipal d’une grande partie du mandement d’Albon et qu’il obtint, en 1312, du dauphin Jean II, une charte de libertés et de franchises, que confirmèrent, en 1396, le roi Charles VII, et en 1443, Louis XI. La cerise sur le gâteau, c’est qu’il nous donne la cote de ce document conservé aux Archives départementales de la Drôme. Le chercheur, ou le curieux, aurait pu également la trouver à la page 271 du troisième tome de l’Inventaire des Archives départementales de la Drôme, antérieures à 1790, rédigé par André Lacroix, archiviste départemental de 1861 à 1909, et publié 1879.

Dans deux de ses ouvrages, Pierre Martin consacre quelques pages à cette charte (Histoire d’Anneyron, 1972, p. 24-27, et Histoire de Saint-Rambert-d’Albon, 1976, p. 30-34) mais ne transcrit pas ce document dans son intégralité. Il est vrai que la première pièce (cote E 3825/1) contenue dans la boîte d’archives est en latin. Bien qu’elle soit une copie de l’original [2], composée d’une douzaine de pages, elle n’en demeure pas moins difficile à transcrire car peu facile à déchiffrer. Mais la seconde pièce (cote E 3825/2), imprimée en langue vulgaire sur sept pages, n’est autre que sa traduction et, donc, aisé à reproduire. Evidement, pour qu’elle soit compréhensive, il faut tenir compte que certaines lettres sont devenues obsolètes ou tirées de l’alphabet latin. C’est le cas du s long (ſ) qui est la forme ancienne de la lettre s minuscule ou la lettre v qui, à l’origine, en latin, était confondu avec le u. Voici un exemple concret pour mieux illustrer tout ceci : Pour preſsens & aduenir, ſçauoir faiſons, nous avons écrit presens & advenir, sçavoir faisons.

Dans ce texte ancien, on rencontre des termes complètement disparus de notre vocabulaire comme pieça pour jadis ou pasqueyrage, un droit payé au seigneur pour le pâturage des bêtes de labour… Ou encore les mots amé & Feal pour ami fidèle. On voit également des mots déformés par la phonétique et d’autres par des erreurs de typographie (du moins, on le suppose), comme le toponyme Coynand au lieu de Coynaud, par une inversion de la lettre u.

Si, parfois, il est difficile de comprendre le sens de certaines phrases, il n’en demeure pas moins un document d’un grand intérêt pour notre histoire locale, sinon pour l’histoire en générale.

La charte de Coinaud [3], qui ne contient pas moins de trente-quatre articles, n’est pas née du Saint-Esprit mais d’une donation faite le 29 mars 1217 par Béatrice d’Albon et son fils, André de Bourgogne (plus connu sous le nom de Guigues VI de Viennois), par laquelle ils donnèrent au prieuré de Saint-Vallier, l’île Marète, biens [4] à Coynaud, avec pâturages et bois, le moulin sur la Galaure au-dessus de Colombier, et des vignes situées dans la vallée et l’ager de St-Vallier [5]. Cent ans plus tard, à la demande du prieur lui-même, un certain Pierre de Saint-Georges, le dauphin Jean II, par lettres données à Moirans le 12 juillet 1312, concède des franchises à la communauté d’habitants qui voudra bien s’installer à Coinaud [6]. Charles VI, par lettres données à Paris, au mois d’août 1396, et par lettres de Louis dauphin données à Saint-Chef le 18 novembre 1449, confirme les mêmes libertés comme le fera d’ailleurs le roi Henri IV, également à Paris, le 19 juillet 1603 et le 28 avril 1605 [7] (enregistré le 13 juillet de la même année).

Comme toute histoire concernant Saint-Rambert-d’Albon, cette modeste étude sur la charte de Coinaud n’est pas une fin en soi. Quelques pistes de recherches encore inexploitées sont susceptibles d’apporter des éléments supplémentaires.

Le chanoine Chevalier a traduit du latin et compilé dans le Regeste dauphinois tous les textes historiques liés à l'histoire du Dauphiné, de l'an 140 à 1349, date du transport du Dauphiné à la France. La charte de Coinaud ne fait pas exception et, donc, nous n’allons pas nous priver de sa synthèse [8] avant de la découvrir dans son intégralité : Moirans, 14 juillet 1312. Jean, dauphin de Viennois, conte d’Albon et seigneur de la Tour, accorde à la prière de Pierre de St-Geoirs, prieur de St-Vallier, des libertés, franchises et immunités en 34 articles aux habitants de la ville neuve de Coinaud (Coynau), située sur les terres et dans la dépendance du prieuré de St-Vallier, mandement d’Albon, sous la protection et sauvegarde des dauphins. Exception de collecte, taille, complainte, vingtain, main-d’œuvre, corvées de foin de paille, angurio, perangura et exactions. Règlements concernant les délits : coups et blessures, injures, saisie privées, faux poids et mesures, frais de justice, clames, sauvegarde. L’adultère est puni de 30 sols ; seulement pour les gens mariés. Liberté de tester, attribution des héritages aux proches à défaut de testament, les droits du dauphin et du prieur de St-Vallier réservés. Le dauphin retient la juridiction. Les droits de justice (excepté les menus bans et ce qui dépend des terres de St-Vallier), les moulins, le marché ou forum à construire. On payera pour la mouture et le fournage comme à Beaurepaire ; Le fournage appartient au prieur. Les habitants ont le pâturage exclusif dans le territoire de Villeneuve qui dépend de Moras et Albon, le dauphin s’interdit d’y couper les herbes. Pêche avec les engins a mandement d’Albon ; chasse libre à tous animaux et oiseaux en donnant un quartier des sangliers, cerfs et chevreuils ; pour les perdrix et faisant on ne peut chasser qu’avec des oiseaux. Les mesures du blé et du vin, les poids, l’aune des draps seront ceux d’Albon. On nommera un bannier, qui sera présenté au châtelain. Exception de leyde pour les marchandises, de fouage sur les prés reçus du prieur. Autorisation de capter le cours des eaux de Veuzy et Aiguebelle pour usage et le moulin delphinal. Un délai d’un an est accordé pour expliquer les points obscurs de ces libertés. Dat. ap Moyrencum (al. Moyxantum).


Villa nova de Coynau en 1312


Carte postale du quartier et hameau de Coinaud

Pièce d'archive

TENEUR OU COPPIE DE FRANCHISES ou libertez des Homme Habitants de Villeneufve, de Coynand, Mandemant d’Albon, confirmées, approuvées, & ratifiées par le Tres-souverain Prince Sieur, nostre Sieur le Dauphin, Moderne, infrascript & nommé, s’ensuivent comme cy-apres.

Ces presentes libertez ont esté enregistrées en langue vugaire, en la Chambre des Comptes de Dauphiné, par moy Clerc, Secretaire ordinaire du Roy, en icelle soubs-signé, ce 14. Fevrier 1607. ROSSET.

Louys Aisné, Fils du Roy de France, Dauphin de Viennois, Comte de Valantinois, & Dyois. A tous ceux qui ces presentes Lettres verront, sçavoir faisons : Que Nous ayans veu les Lettres obtenues de nostre tres-redouté Seigneur & Père, de confirmation de certaines Lettres & Franchises de feu de bonne mémoire de Jean jadis Dauphin de Viennois, Comte d’Albon, & Sieur de la Terre de la Tour, nostre Predecesseur la pieça, octroyées & concedées aux hommes & habitans, & à la Communauté de Villeneufve, de Coynand, la teneur desquelles s’ensuit, & est tel.

CHARLES, par la grace de Dieu, Roy de France, Dauphin de Viennois à tous presens & advenir, sçavoir faisons : Que Nous avons veu les Lettres de la teneur qui s’ensuit. Au Nom de nostre Seigneur Jesus-Christ, ainsi soit : Nous Jean, Dauphin de Viennois, comte d’Albon, & Sieur de la Tour, Parteneur de ces presentes, à tous presens & advenir, sçavoir faisons, que par le profit & utilité de nos sujects, Donnons, octroyons, & concedons pour nous & nos hoirs, & Successeurs quelconques, à tous & un chacun des hommes qui à present habitent ou à l’advenir au lieu de Villeneufve, de Coynand scise & bastie, ou edifiée dans le fond & certains propres du Prieur & Prieuré de Sainct Vallier, qui a esté, & esté soubs nostre protection & sauvegarde au la pieça passez, & à la contemplation de nostre amé & Feal Conseiller le Sieur Pierre de Sainct George, Prieur de Sainct Vallier, dans la ville & terres d’icelle ville, plaines libertez, franchises, & immunitez en la forme & maniere que cy-apres est contenu.

ET premierement, Nous voulons, & à iceux hommes habitants és Communautez dud[it] Villeneufve, de Coynand, Octroyo[n]s qu’iceux soient libres, francs, exampts & immunes de Cuillette, Taille, complainte, vintain, œuvre, manœuvre, perangarie, exaction quelconque, lesquelles choses ne seront nullemant tenus de faire ny donner à Nous comme dessus.

Item, si aucun habitant de presant, ou que par l’advenir habitera en ladite ville, ou termes d’icelle vinsse à hausser on jetter couteau, glaive, ou espee, pour offencer, ou faire injure à aucuns de ladite ville, ou habitans d’icelle, & ne l’ayant point blesse, ou offencé, payera pour le ban trente sols bons Viennois anciens en la valeur d’iceux. Mais si aucun de ladite Ville, quelqu’autre des Habitans de ladite Ville, ait frappé ou blessé, & la playe n’estant mortelle, & le membre n’estant point couppé ny demeurant inutile, payera pour le ban soixante sols de ladite monnoye pour chaque fois. Et ce que dessus estant faict par un estranger, l’estranger payera soixante sols de ladite monnoye tant seulement. Mais si le membre sera couppé, ou faict inutile par icelu de la Ville, payera pour le ban vingt livres de ladite monnoye. Et si cela sera faict par un estranger, ledit estranger payera dix livres de ladite Monnoye. Mais la blessure fust mortelle, seront chastiez selon les Loix.



Photomontage (extrait en latin et vieux français)


Item, si aucun Habitant de ladite Ville, ou dans les termes ou limites d’icelle, vinsse à frapper ou battre aucun de ladite Ville, ou dans termes d’icelle, avec le poing ou paulme de la main,& n’ait point espandu de sang, ou n’ait point défiguré le visage, & n’ayant rompu aucunes dans, ny faict aucune chose de pire, toutesfois ne mourant celuy qui aura esté battu, celuy qui aura frappé payera pour le ban du poing donne cinq sols de ladite monnoye, & d’un coup de pied payera, celuy qui aura frappé, cinq sols, & celuy qui frappera de la paulme de la main, payera dix sols, & s’il aura espandu sang, payera pour le ban trante sols de ladite monnoye, & si le battu vint à mourir, sera puni celuy qui aura frappé, selon les Loix. Et en tout ce que dessus sera payé à l’offance l’amande convenable.

Item, si aucun Habitant moderne, ou à l’advenir, vint à tenir ou user de faux poids ou fausses mesures dans ladite Ville, ou termes d’icelle, de vin, ou d’huile, quand on le vend à menu, payera pour le ban sept sols de ladite monnoye : Mais pour les autres fausses mesures, & faux poids, payera trante sols de ladite monnoye pour le ban.

Item, celuy qui aura faict, ou retenu larcin, ou furt, sera puni selon les Loix.

Item, si aucun, ou aucune des Habitans de ladite Ville, ou Habitans d’icelle sera trouvé ou trouvée commettant adultere, un homme marié avec une femme mariée, le chacun payera trante sols pour chacun : mais ceux qui ne sont point mariez, en paillardant ne payeront rien, mais pour commettre stupre ou inceste, ils seront punis selon les Loix.

Item, si aucun de sa propre authorité viendra à gager un autre, payera dix sols de ladite monnoye.

Item, si aucun aura faict injure à chacun dudit lieu, payera pour le ban trois sols de lad[ite] monnoye, si de cecy aura esté faicte querelle, à la Cour ou plainte.

Item, retenons pour Nous, nos Heritiers, & Successeurs quelconques, sur les Hommes, Ville & termes susdits, nostre totale jurisdiction, Maire, Mixte, Impere, la Contrainte, & justices, excepté les bans menus qui sont tenus par le Prieur de S[aint] Vallier, pource nous voulons qu’iceux bans soient à perpetuité du Prieuré & Prieur de S[aint] Vallier, & iceux estre & appartenir audit Prieuré.

Item, aussi nous retenons la Chevauchée, comme aux deffandeurs, libres, à sçavoir, le premier jour qu’ils iront à la guerre pour Nous le premier jour iront à leurs despans, & dela en apres jusques pour un mois suivant à nos despans, & ayans passé le mois, tout le temps qui leur conviendra y demeurer, à leurs propres despans, & estre tousjours prests toutes-fois & quantes qu’ils seront appellez par Nous, ou par nos gens.

Item, retenons en ladite Ville, & termes d’icelle, les moulins, & les marchés, lequel nous pouvons faire en ladite Ville de Pasqueyrages de ladite Ville & terres de terroir d’icelle, & terme d’icelle, & par tout ledit Mandemant & terroir, & par tout le destroit d’Albon & de Moras, sans bailler ny payer aucune sence, service, ou servitude aucune, les Habitans de lad[ite] Ville, & aux termes d’icelle en puissent user, & à eux soit licite d’en user libremant, paisiblement, quand bon leur semblera, à perpetuité pour leurs bestails.

Item, nosdits Hommes qui maintenant y habitent ou habiteront à l’advenir & aussi les Estrangers qui y viendront habiter dans laditte Ville, ou termes d’icelle, en ce que toutes-fois iceux Estrangers nous ayent faict & juré la fidelité, & ayent faict & presté le sermant à ladite Ville (ce qu’un chacun fera tenu de faire, & puis qu’ils auront demeuré un an & un jour dans lesdits termes) iceux nos Hommes & Estrangers, avec leurs biens & choses, Nous permettons pour Nous, nos Heritiers & Success[e]urs, de les deffindre, maintenir & garder, eux & leurs biens, & les recevons en nostre protection & Sauvegarde speciale, & iceux recevons comme nos Hommes lieges & fidelles.

Item, statuons & ordonnons, que des Causes qu’il adviendra, ou conviendra traicter pardevant nostre Cour, pour la despanse de ladite Cour, seront levez douze deniers pour chacune livre de la quantité ou estimation de la chose demandée, lesquelles despanses se payeront par le condamné, apres la contestation du procés. Et si la Cause sera decidée, chacun en payera la moitié devant que la Cause sera conrestée, en cas que la Cause ne passast plus avant ou de debtes, ou autres causes, sans libel, ny demande, on nous payera six deniers pour chacune livre de la quantité ou estimation de la chose demandée. Mais certainement, si aucun des dessusdits fust condamné en peines pecunieres, pour divers excés, & s’il n’eust le moyen de payer telle paine, sera corporellement puni au Jugement & au dire de la Cour.

Item, Nous statuons & permettons pour Nous Successeurs, que Nous, nos Heritiers & Successeurs. Que dans ladite Ville, & ses termes, laquelle chose est de droict, & de la proprieté du Prieuré de Sainct Vallier, ne pouvons avoir, tenir, ou envoyer aucune brebis, chevres, bœufs, ou chevaux, pourceaux, ou autres animaux à paistre olec és prez & pasquerages de ladite Ville, ou termes, d’icelle : Ne pouvons, ny devons coupper, ny faire coupper dans ladite Ville ny és termes d’icelle, pour quelque somme, & à quant qu’icelle somme peust monter pour ladite clame que dessus, les herbes desdits prez, ou bleds des terres, pour la nourriture d’aucuns nostre bestail, ou animal, ny aussi prandre fruicts des arbres, ny de leurs vignes, ny cueillir, ny faire cueillir, pour quelque raison ou cause que ce soit.

Item, retenons pour Nous, & nos Successeurs, en ladite Ville, & termes d’icelle, les usages des moulins, moudures, desquelles vient au lieu de Beaurepaire.

Item, Voulons & Concedons, que les Habitans de ladite Ville, & termes d’icelle, qu’ils ayent, & soient tenus payer les usages du four & fournages, tout ainsi qu’ils ont accoustumé de payer dans ladite ville de Beaurepaire, ainsi & tellemant que le four, avec tous ses emolumans soit à perpetuité du Prieuré de Sainct Vallier.

Item, Statuons & Ordonnons, que les Hommes qui de presant sont, ou pour l’advenir y habiteront en ladite Ville, ou és termes d’icelle, n’ayent à payer, ny à nous, ou aux nostres à l’advenir Successeurs, aucun peage, leyde, ou pontanage en nul lieu de nos Comtez, soient tenus doresnavant donner ou payer.

Item, s’il advinsse qu’aucuns des Habitans desdits lieux, ou termes d’iceux, luy ou ses biens, se transporter pour habiter en autres parts, ou lieux, nous sommes tenus & devons le garder, conduire, & sauver pour trois jours & trois nuicts avec tous ses biens.

Item, Concedons à ceux qui pour quelques conduite ou debte, pourveu qu’eux par tout un jour soient prests, selon leur puissance, de prester suffisante caution d’estre en Jugement : pardevant nostre Cour, ne pourront, ny devront estre chassez de leurs maisons, ny aussi estre gagez pour aucune cause ou occasion de leurs robbes, garnitures de leurs licts, ny des bœufs de labourage, ny d’autres aisemans, charrues, araires, ny de leurs armures, ny de leurs personnes estre prins, detenus, ou arrestez, ormis que par advanture fust debte, que Nous, ou nostre Cour, iceluy Habitant voulussions punir corporellement. Voulons encores, & Statuons, que nos Habitans de ladite ville, maintenant, & à l’advenir, & entre les termes & limites d’icelle, puissent user en ladite ville, & termes d’icelle, des mesures de bled, & vin, & aulnage de draps, & poids des choses à vandre à menu & en gros, tout ainsi comme usent au Chasteau & Mandemant d’Albon.

Item, Concedons à iceux sus-nommés, qu’ils puissent pescher avec toutes fortes d’instrumans à pescher sans aucune contradition de Nous, ny des nostres, par tout le Mandemant d’Albon, & dans les termes de ladite ville.

Item, Octroyons & Concedons aux susnommez, qu’ils puissent chasser en toutes les manieres qu’ils voudront, dans tous les termes de ladite ville, à toutes fortes de bestes sauvages, & oiseaux, en nous rendant un quartier de la beste prinse, à l’occasion de nostre Domaine, entandant des Sangliers, Cerfs, Biches, Chevreulx, excepté aux Perdrils, & Faisans, lesquels ne doivent prandre, sinon avec des oiseaux, & excepté aussi, su aucun eust une propre Comerie de Connils dans les termes de ladite ville, esquelles ne sera point licite chasser, hormis ceux à qui elles seront.

Item, Concedons à iceux de ladite ville, & à ceux Octroyons, que toutes choses, & marchandises qui seront conduites & amenées en ladite ville, & qu'elle se vandront à menu, ny ceux qui achepteront, ny ceux qui vandront, ne seront nullement tenus de payer ny donner à Nous, ny aux nostres, aucune garde, gabelle cogitée & non cogitée.

Item, Voulons, Statuons, & Ordonnons, qu'iceux de ladite ville, presanteront à nostre Chastelain, qui esr de presant, ou advenir, audit lieu, qui sera confirmé par ledit Chastelain, & ceux-là qui l'auront esleu & presanté, venant ledit Bannier à faire ou commettre quelque délict, en exerceant sondit Office, ou charge, seront tenus pour luy.

Item, Statuons & Ordonnons que le Badier ou Maynier de la Cour dudit lieu, qui est, ou pour le temps advenir sera, n'aye à lever ny prandre de son travail, pour faire quelque saisie, qui face dans ladit ville, de quelque garniture seulement, deux deniers bons Viennois, anciens, ou la valeur d'iceux, & les faisant hors de la Ville, & dans les termes, ou limites d'icelle, en payeront six deniers de ladite monnoye.

Item, Statuons & Ordonnons, que pour raison des clames qui sont ou seront faictes contr'eux, pardevant nos Chastelains & Officiers, ou pour eux, ne seront levez par lesdits Officiers autre chose, ormis trois sols de ladite monnoye.

Item, Statuons & Ordonnons que le Bannier dudit lieu, qui est, ou sera au temps advenir, qu'il n'ait à lever, ny porra lever pour le ban d'un gros animal tant seulement deux deniers bons Viennois, & pour le ban du menu ou petit animal, levera un denier bon Viennois.

Item, Statuons & Ordonnons, que chacun de nos Chastelains dudit lieu, qui viendront à exercer son Office audit lieu, ait à jurer sur les saincts Evangilles de Dieu, en la presence d'aucuns des Bourgeois dudit lieu, de tenir, garder, observer ou faire observer inviolablement toutes les libertez, franchises, immunitez & statuts à eux octroyées & accordées dessus, & cy bas écrites & contenues, & jamais à l'advenir contre icelle dire, faire, ou venir, ny consentir à ceux qui voudroient contre icelles contre-faire ou contrevenir, prester ou donner aucune aide, secours, ny faveur.

Item, voulons & concedons, que des prez que nos Sujects ont receu du Prieur de Sainct Vallier, desdits hommes & Habitans d'icelle ville, nos Officiers n'ayent à faire aucune exaction de fenage, ny autre exaction par quelconque coleur ou occasion, ny à cecy pourront estre contraincts les detendeurs ou possesseurs desdits prez.

Item, voulons & concedons aux Habitans d'icelle ville, ou dans les termes d'icelle, ayent à garder, maintenant le cours & décours des eaux de Veuzi & Ayguebelle, pour conduire lesdites eaux de nostredite Ville, tellemant que desdites eaux en pourront user & en faire à leur necessité, & moudre leurs bleds à nostredit moulin, estant en ladite ville.

Item, voulons & concedons, que les biens & heritages qui sont en ladite ville, ou termes d'icelle, les Habitans qui viendront à deceder sans enfans, un ou plusieurs sans faire aucun Testamant, Voulons que les biens de ceux qui ainsi decedront, parviennent & soient devoluz à leurs parens plus proches, & ce paisiblement, & sans aucune opposition. Et si telles personnes desdits Habitans auront faict Testamant ou Ordonnance, ou déposition de leurs biens, Voulons qu'iceluy Testamant ou Ordonnance soient entieremant & inviolablement observée et gardée, sauf toutes-fois en toutes choses nostre droicts, & le droict du Prieur & Prieuré de Sainct Vallier, & de tous autres.

VOULONS encores, & Octroyons ausdits Habitans de ladite ville, que pour les presantes libertez, & le contenu en icelles Franchises & Statuts, ou aucunes d'icelles par le cours du temps, s'eussent ou peussent estre trouvées douteuses & obscures, ou qu'ils eussent besoing d'interpretation ou declaration, que dés à present, jusques à un an à venir, puisque ces presentes Lettres seront scellées, pourront faire-faire la Declaration ou interpretation : Laquelle Declaration estant faicte, Nous, nos Heritiers & Successeurs seront tenus, & devrons l'attandre & observer à perpetuité, & la faire observer inviolablement. LESQUELLES Choses toutes & une chàcune d'icelles en chacun de ces presans, & suscripts Chapitres, sont contenues & declarées, Permettons pour Nous, & nos hoirs & Successeurs quelconques, par pact expres, & solamnellemant stipulé & corroboré par Nostre juremant, aux Hommes de nostre dite ville, inviolablement observer, & iceux avoir fermes & agreables à perpetuité, & iceux observer & faire observer. Et à jamais pour Nous, ou par autre y contravenir, ny contre-faire en tout, ou en partie, ny consantit, à qui voudroit y contravenir, ny à eux donner ou prester aucun aide ny faveur. VOULANT, que si aucun temerairemant voulust ces presantes Lettres, Libertez, Privileges, & Statuts, Immunitez, & Franchises, de droict, ou de faict, en tout, ou en partie, à icelles contrevenir, qu'à Dieu ne plaise qu'il ait à incourir l'ire & courroux du Tout-puissant & Dieu Eternel, de la bien-heureuse Vierge Marie, des Saincts, & la nostre. Et toutes-fois l'on procedera contre iceluy perturbateur à le punir au mieux que Nous pourrons, ou par nos Officiers sera procedé. Donné à Moyrenc le douzième jour du mois de Juillet, l'An mil trois cens douze.

Lesquelles Lettres sus-escriptes, & toutes & chacunes les choses en icelles contenues, Voulons avoir bonnes, fermes, & agreables : Icelles loüons, approuvons, & ratifions, de nostre grace speciale, d'autorité Royalle, icelles Confirmons par ces presantes, en ce qui d'icelles useront paisiblement, ou useront à l'advenir. Donnont par ces Presantes en Mandemant au Gouverneur dudit nostre pays de Dauphiné, ou à leurs Lieutenans, presans & advenir, & à chacun d'eux, par le tout, comme à un chacun appartiendra. Que iceux Hommes & Habitans de ladite ville de Coynand fassent jouyr & user de ceste presante Grace & Confirmation plainemant & paisiblemant, & le fassent, & permettent user d'icelles, sans empeschemant & contradition ou perturbation quelconque. Et afin que soit chose ferme & stable à l'advenir, Avons faict mettre nostre Seel Dalphinal à cesdites presantes, sauf nostre Droict, & l'autruy en toutes. Donné à Paris, au mois d'Aoust, mil trois cens nonante-six ; Et de notre regne le dix-septiéme, PAR LE ROY DAUPHIN, A la Relation du Conseil, P. DE VOYSNES.

Et attandu le contenu de la Requeste desdits Homes, à Nous presantée, voulant que les choses faictes & passées par nos predecesseurs soient observées pour cettes, justes, & raisonnables, Considerations meuës, toutes & chacunes les choses, és sus-inserées, Lettres confirmatoires, & Franchises contenues & descriptes, Ratfions, Approuvons, & Confirmons par ces pesantes, en quant toutes-fois iceux Supplians en ont usé, ou useront paisiblement, & en sont en possession. Par vertu desquelles Nous commandons & enjoignons estroictemant à nostre Gouverneur audit Pays, son Lieutenant, gens de nostre Conseil, & autres nos Justiciers & Officiers de nos Dauphiné & Comtez, presans & advenir, ou à leurs Lieutenans, & à chacun d'eux, qu'icelles Lettres, Libertez & les Franchises susdites, & susdites, & toutes les choses en icelles contenues à iceux Supplians, & à leurs Successeurs, à perpetuité, comme iceux & leurs Predecesseurs, ont bien legitimemant & paisiblemant jouy & us&, & en sont en possession, ayent à tenir & observer, & iceux faire jouyr & user, fassent & permettent, & les fassent observer par qui appartiendra à l'advenir, n'attandant ny faisant attanter par quelqu'un, n'y aussi le permette, ainsi si quelque chose au contraire aura esté faicte ou attantée, l'ayent à déduire, sans délay, à son premier estat : Car ainsi Voulons & Commandons estre faict, & ausdits Supplians Avons octroyé & concedé ces presantes de Nostre grace speciale, par ces presantes. Et nonobstant quelconques Lettres subreptices, impettées, ou à impetter, sauf toutes-fois en cesdites choses nostre Droict, & en tous l'autruy, en tesmoing dequoy Nous avons faict mettre nostre Seel à cesdites presantes.

Donné à Sainct Theuder le dix-huictième jour de Vovambre, l'An du Seigneur mil quatre cens quarante-neuf. Resevez toutes-fois les Deffances & Inhibitions sur le faict des chasses & Pescheries, ausquelles par la Confirmation de ces presantes, Nous n'entandons deroger.

Par Monseigneur le Dauphin (à Relation du Conseil) Collation a esté faicte, avec les Originaux des Lettres, par moy ALEYRON

Tiré & extraict du propre Original, & ayant traicte diligente Collation, par nous Notaires soubs-signez. GERRET[?]

J'ay veu, moy Vibailly, soubs-signé les Libertés suscriptes, lesquelles se fust prest d'observer, selon leur forme & teneur, le vingt-neufvième de Juin, mil quatre cens septante-sept MULETI Vice-Baïlly



[1] Quelle est la signification de ce nom de lieu dénommé Villa nova de Coynau en 1312 ? Un auteur du siècle dernier s’avance en disant que ce nom lui viendrait, peut-être, de coinus, cognassier (arbuste ou un petit arbre de la famille des Rosacées qui porte des coings ou des cognasses). Cette étymologie ne nous semble cependant pas la plus probable mais, à défaut de proposer une définition plus précise et plus cohérente, il nous a semblé utile de la mentionner. Notons que sur la carte de Cassini, ce nom s’écrit Coynaud. Cette forme ancienne, on la retrouve encore en 1825 sur la feuille de la Section A dite de La Valloire du cadastre d’Anneyron. Par contre, en 1826, sur la feuille de la Section A de Saint-Rambert du cadastre de la commune de Saint-Romain-d’Albon (l’actuel Albon), on relève la graphie moderne de Coinaud.

[2] Un rajout, écrit dans la partie haute, laisse penser que le contenu de cette charte a été recopié le 18 novembre 1409.

[3] Coinaud est un hameau, cela ne fait pas de doute. D’ailleurs, le Dictionnaire de l’Académie française de 1694 donne pour ce mot la définition que voici : Un petit nombre de maisons escartées du lieu où est la paroisse. D’où l’inévitable question que de nombreuses personnes se sont posées un jour ou l’autre. Coinaud est-il un hameau d’Anneyron ou de Saint-Rambert-d’Albon ? La réponse nous est donnée par le Dictionnaire topographique et historique de la Drôme. Coinaud est un hameau d’Anneyron mais également un quartier de Saint-Rambert-d’Albon. Au moins, les choses sont claires... Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le premier cadastre de ces deux communes. En 1826, le quartier de Coinaud ne comprenait qu’une seule maison (vraisemblablement un cabaret, ancêtre du Café de l’Union qui existait au début du siècle dernier) et un petit bâtiment au voisinage. Quant au hameau de Coinaud, il était composé d’une douzaine de fermes et d’une petite chapelle (toujours existante), situées au nord du chemin de Saint-Rambert à Moras (l’actuelle D 266).

[4] Le fait de rajouter au mot biens ceux de pâturages et bois, cela laisse penser qu’une ou plusieurs propriétés bâties, forcément plus en bois qu’en en pierres et chaux, existaient déjà à cette époque.

[5] CHEVALIER (Ulysse), Regeste dauphinois, ou Répertoire chronologique et analytique des documents imprimés et manuscrits relatifs à l’histoire du Dauphiné, des origines chrétiennes à l’année 1349, 1913-1923, t. 2, p. 98.

[6] A la fin de l’Ancien Régime, le hameau de Coinaud n’est composé que de treize maisons (Archives départementales de la Drôme – Cote L 904). On peut donc admettre, sans crainte de se tromper, que contrairement à d’autres villes fondées par autorité seigneuriale pour être des centres de peuplement et, en même temps, dotées de franchises, telle Villeneuve de Montrigaud, Villeneuve de Roybon, pour ne citer que celles-ci, Coinaud n’a pas su tiré parti des avantages qu’offrait cet affranchissement communal.

[7] CHEVALIER (Ulysse), Ordonnances des rois de France et autres princes souverains relatives au Dauphiné, 1871, p. 151.

[8] CHEVALIER (Ulysse). Regeste dauphinois ou répertoire chronologique et analytique des documents imprimés et manuscrits relatifs à l'histoire du Dauphiné, des origines chrétiennes à l'année 1349, 1915, t. 4, p. 102, article 18430.